top of page

Impacts du déploiement de la réglementation SFTR (Securities Financing Transactions Regulation)


Dix ans après la crise de 2007, l’heure est toujours à la course au réglementaire et à davantage de transparence pour les sociétés financières et non financières : financement sur titres, réutilisation du collatéral et reporting de transactions. Que nous dit la réglementation ?

Enjeux pour les sociétés financières et non-financières

Le règlement européen relatif à la transparence des opérations de financement sur titres et à la réutilisation du collatéral (SFTR(1) : Securities Financing Transactions Regulation) est entré en vigueur le 12 janvier 2016, avec une mise en application progressive de ses dispositions. Il vise à accroître la transparence sur les opérations de financement sur titres (SFTs) dont l’objectif est de permettre aux acteurs du marché d’avoir accès à des financements garantis. Lors de la crise financière de 2007, ces opérations ont été sources de contagions et identifiées comme étant à effet de leviers et pro-cycliques. Les nouvelles règles sur la transparence exigent dès lors des acteurs financiers et non-financiers de communiquer les détails de leurs opérations de SFTs. Le SFTR(1) apporte ainsi une réponse détaillée aux divers travaux internationaux menés dans le cadre des activités de lutte contre le Shadow Banking.

Les SFTs concernées par la réglementation sont essentiellement les opérations de prêts-emprunts, de pensions livrées et d’achats-reventes de titres. Son champ d’application reste néanmoins large. Toute société financière ou non-financière intervenant sur les opérations SFTs au sein de l’Union Européenne (UE) est concernée par la réglementation. La mise en application de l’ensemble des dispositions se fera de façon progressive dans le temps (Q4 2019, Q1 2020 estimé), et avec pour priorité les sociétés financières (entreprises d’investissement et de crédit, chambre de compensation et dépositaires centraux, OPCVM et FIA), puis les sociétés non-financières, concernant l’obligation de déclaration auprès de référentiels centraux de données (article 4.1 du SFTR (1)).

Timeline d’implémentation SFTR (estimée)

Les impacts clés

Obligation de déclaration et de conservation (art. 4)

L’obligation de déclaration s’applique à toute société financière et non-financière qui opère sur les SFTs au sein de l’UE. Depuis le 12 janvier 2016, les contreparties sont tenues de conserver un enregistrement de toutes les opérations de financement sur titres qu’elles ont conclues ou modifiées ou auxquelles elles ont mis fin, et cela, pendant une durée minimale de cinq ans après la cessation de l’opération (art. 4.4). En 2019, l’obligation de déclaration auprès des référentiels centraux de données s’appliquera de façon échelonnée selon le type de contrepartie (art. 4.1). L’impact de l’article 4 du règlement représente pour l’ensemble des acteurs la phase la plus complexe et significative du point de vue de son implémentation et des informations à fournir. Les contreparties auront approximativement un an pour se mettre en conformité, suite à la publication de la version finalisée des normes techniques de l’ESMA fin mars 2017(2).

Information et transparence aux investisseurs (art. 13 et 14)

La transparence à l’égard des investisseurs passe par la communication d’une série d’informations, qui sont détaillées dans l’annexe A et B du règlement. Elle prévoit pour les gestionnaires de fonds OPCVM et FIA agréées AIFM de publier ces informations dans les documents précontractuels (les prospectus notamment) ainsi que dans les rapports périodiques selon le calendrier suivant :

  • 13 janvier 2017 : Transparence des organismes de placement collectif dans le cadre des rapports périodiques (Article 13)

  • 13 juillet 2017 : Transparence des organismes de placement collectif dans le cadre des documents précontractuels, ie les OPC constitués avant le 12 janvier 2016 (Article 14)

  • 13 juillet 2016 : Réutilisation d’instruments financiers reçus en vertu d’un contrat de garantie, y compris pour les fonds créés avant le 12 janvier 2016 (Article 15)

Encadrement de la réutilisation des instruments financiers (art. 15)

Le terme « réutilisation » fait référence à la réutilisation d’un instrument financier remis en collatéral et qui fait l’objet d’un accord conclu par écrit entre deux parties dont l’une, qui reçoit la garantie (le collatéral) sous la forme d’un instrument financier, et l’autre, qui fournit le collatéral (la contrepartie fournisseuse). Cette réutilisation est soumise à un ensemble de conditions préalables, telles que définies dans l’article 15.1(a). La contrepartie fournisseuse de garanties est d’abord informée en amont des risques et des conséquences de défaut liées à la réutilisation par la partie qui les reçoit, et donne son accord par écrit. Lorsque les contreparties exercent leur droit de réutilisation, les instruments financiers reçus dans le cadre du contrat de garantie sont transférés du compte de la contrepartie qui les a fournis.

L’encadrement de la gestion du collatéral ne se limiterait pas aux SFTs, mais aura un impact plus global sur le marché du collatéral (notamment les contrats ISDA et les CSA). Les restrictions liées à la réutilisation visent à renforcer la protection des contreparties, mais aussi celle des réglementations applicables, telles que MIFID ou OPCVM.

Le reporting de transaction

Les normes de Reporting SFTR(1) sont basées sur EMIR (European Market and Infrastructure Regulation) et requièrent un volume d’information important (estimé à six fois les champs à reporter sous EMIR). Un grand ensemble d’information existant est accessible de par les contreparties de la transaction, en revanche, elles ne sont pas systématiquement stockées lors de la transaction. Les contreparties devront reporter à un Trade Repository (TR) toute initiation, modification ou clôture de SFTs. Ainsi, tout événement survenant sur les transactions (repos, prêt-emprunt, achat-revente de titres), les appels de marges (titres, cash) et le repricing, devra faire l’objet d’un reporting systématique à un TR. Ce reporting est à réaliser au plus tard en J+1 suivant l’événement.

La transaction doit porter un identifiant unique de transaction, ou UTI, qui permet au régulateur d’apparier et de dé-dupliquer les transactions. Les tiers participant à la transaction (e.g. acheteurs, vendeurs, brokers, etc.) sont identifiés par un code LEI (Legal Entity Identifier). Si chaque SFT doit avoir un UTI unique, et avoir un acheteur et un vendeur unique, des impacts sont à prévoir pour certaines SFTs. En effet, une opération face à un Agent Lender devra-t-elle être splittée pour respecter ce principe? Qui devra déterminer l’UTI pour une transaction d’Agency Lending (ALD trade) ? Les collatéraux gérés en pool pour de multiples bénéficiaires doivent-ils être splittés ? (reporting en portion de titres ?)

Enfin, Les emprunteurs seront dépendants des prêteurs pour récupérer les données nécessaires au reporting (notamment les données sur la contrepartie). S'ils ne peuvent pas obtenir les données dans le bon format, ils auront la possibilité de trouver un autre prêteur. En ce sens, SFTR peut avoir un impact sur le marché des securities.

Conclusion

Les sociétés devront faire face à des changements dans leur système de reporting actuel afin de répondre aux exigences de la réglementation, et en particulier sur la disponibilité des données requises. Le besoin de reporter tout changement lié à la collatéralisation (tout au long du cycle de vie) d’une SFT, ou l’accord entre les contreparties pour déterminer un identifiant de transaction unique, sera, du point de vue opérationnel, coûteux et complexe.

Une des particularités de cette réglementation réside dans son champ d’application. En effet, le SFTR(1) s’applique à toute société (UE et de pays tiers) dès lors que la SFT s’effectue dans l’UE. Prenons l’exemple d’une SFT réalisée par la filiale européenne d’une société basée dans un pays tiers. Un prêt de titre effectué entre une société de gestion de fonds japonais et la filiale française d’une banque suisse sera impacté par la réglementation, car au moins une des parties de l’opération se situe en zone UE (bien qu’en réalité aucune des sociétés prêteuses ou emprunteuses ne soit basée au sein de l’Union Européenne).

Le processus de consultation SFTR(1) est en cours. Le 24 juillet 2018 la Commission Européenne a confirmé son intention d’adopter avec des modifications les standards techniques proposés par l’ESMA. L’ESMA a ensuite exprimé son désaccord avec la position de la Commission sur les principes de validation des changements à venir des standards techniques. Les échanges toujours non aboutis peuvent davantage impacter la date du go-live du reporting(4).

Dès à présent, il est nécessaire de mener des actions particulièrement sur la mise en conformité des règles appliquées à la gestion du transfert de collatéral (CSA), la communication des informations liées aux transactions (code LEI, UTI, etc.), et sur l’architecture à prévoir pour le Reporting requis par SFTR(1), tout en capitalisant sur les acquis du règlement EMIR.

Références

(1) RÈGLEMENT (UE) 2015/2365 DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL du 25 novembre 2015 relatif à la transparence des opérations de financement sur titres et de la réutilisation et modifiant le règlement (UE) no 648/2012

(2) ESMA Final Report Technical standards under SFTR and certain amendments to EMIR

(3) ESMA Discussion Paper Draft RTS and ITS under SFTR

(4) ESMA Opinion on the European Commission’s proposed amendments to SFTR

bottom of page