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Déployer une stratégie robotique


L’année 2016 aura été l’année des « proof of concepts » (prototype) sur de nombreuses technologies digitales. La robotique (RPA/SPA) est certainement l’une des nouvelles technologies à ce jour la plus regardée au sein des établissements financiers. Cette technologie de robot logiciel vise-t-elle simplement à automatiser la routine, à mécaniser et standardiser des actions ? Les équipes qualifiées seront-elles à leur tour menacées ?

Le robot champion de l’efficience

Avec la robotique, les objectifs visés sont multiples et non exclusifs :

  • Réduire les coûts : le coût d’un robot est estimé à un tiers du coût d’un employé off-shore et à un cinquième d’un employé on-shore[1]. La comparaison peut sembler radicale. Après tout, est-ce que l’on compare le coût d’un robot mixeur à celui d’un cuisinier ? La palette des compétences est objectivement peu comparable et les machines n’ont par ailleurs pas d’idées[2] et sont encore loin de pouvoir opérer sur des domaines complexes. Cela reste toutefois pertinent lorsque l’on applique ce schéma à des actions manuelles répétitives, sans exigence de prise de recul.

  • Accroître l’efficience : le robot logiciel n’effectue aucune erreur. Il applique et réplique inlassablement le même processus à qualité constante. Le robot n’invente rien, ne se fatigue pas, il est disponible à toute heure et il complète les tâches avec une rapidité qui ne soutient aucune comparaison face à la répétition des actions humaines. La robotisation est une excellente solution aux questions de résilience des processus métiers face aux volumes.

  • Maîtriser la qualité : la réalisation de tâches répétitives humaines est susceptible de produire 10 erreurs toutes les 100 occurrences. Vouloir éliminer les erreurs humaines est une utopie ; l’erreur est inhérente aux activités humaines et participe à la construction de l’expertise. L’erreur humaine peut être bornée, contrôlée, mais rarement éliminée. Avec un robot, la qualité sera celle qui lui a été demandée par ses concepteurs, sans surprise. Le robot répète inlassablement les activités demandées et est à même d’isoler la liste des activités produisant des exceptions. Les seules erreurs sont les erreurs de conceptions (humaines).

La démarche et le vécu projet pour mener à bien les initiatives d’efficacité dans les processus bancaire sont déjà bien ancrées dans les établissements, notamment au travers des initiatives Lean. Les méthodes d’amélioration de la qualité, d’optimisation opérationnelle sont également largement rependues.

Savoir conjuguer au pluriel

Dans une approche de déploiement de solution robotique, il faut conjuguer :

  • la maîtrise de la technologie robotique : architecture, infrastructure, langage, outils, interfaces, sécurité...

  • la connaissance fine des processus métiers et des techniques d’analyse : lean, value stream mapping, rupture de chaînes

  • les aspects compliance et RH : le robot peut-il remplacer un processus 4 yeux ? Un robot peut-il valider un paiement ? etc.

Initier la diffusion du RPA

Un préalable rationnel au déploiement de la robotique, aujourd’hui en place, est d’initier une démarche d’appropriation de la compétence. Généralement portées par des équipes Innovation, ces équipes prennent en charge les actions clés des premières étapes du déploiement RPA :

  1. Choisir le ou les outils cible(s) : il s’agit de sélectionner un outil compatible avec les standards de l’entreprise. Cet outil doit impérativement répondre aux exigences de scalabilité (montée en charge), de flexibilité pour s’adapter aux différents environnements logiciels de l’entreprise (qu’il soient en mode client lourd ou en mode web), de gammes de services envisagés (scan / OCR, services vocaux…). L’outil choisi doit répondre au mieux aux exigences cibles de l’entreprise.

  2. Bâtir un centre d’excellence pluridisciplinaire : l’objectif est de diffuser les méthodes, les pratiques et la gouvernance pour implémenter les chantiers de robotique à travers l’entreprise. Il s’agit de fournir le socle de compétences fonctionnelles et techniques permettant d’insuffler les bons usages, les templates d’évaluation en associant ses forces aux équipes projets dédiées.

  3. Définir un modèle de gouvernance : la gouvernance RPA a pour responsabilité principale de mener les actions d’analyse et de prioriser les chantiers de robotisation. Elle met en place l’ensemble des standards et doit s’assurer d’une communication efficace entre les diverses équipes sollicitées. Les initiatives RPA sont généralement orientées métiers ; néanmoins, il est indispensable d’avoir un département IT complétement associé à ces initiatives. La gouvernance RPA est un bon équilibre entre business et IT.

  4. Etablir un plan de communication : la robotique demeure encore un domaine dont la maitrise est très hétérogène dans les équipes (métiers, fonctions support, IT). Une communication adaptée au contexte de l’entreprise doit avoir pour objectif d’éduquer sur les activités de la robotique, démystifier la démarche projet et mettre en avant les bénéfices de la robotique. Valider la pertinence d’un recours au RPA dans une démarche projet, sur un ou plusieurs sous-ensembles d’un projet, doit devenir un réflexe inné des sponsors et des équipes projets.

Du proof of concept à la sélection des candidats RPA

Les premières vagues de déclinaison opérationnelle se matérialisent très souvent autour de proof of concept. Les objectifs des POC sont, usuellement, de valider l’adéquation d’une solution logicielle à l’écosystème de l’entreprise et d’étudier, d’apprendre in vivo sur l’approche robotique. On se trouve très souvent dans une démarche « à dire d’expert », où les candidats à la robotisation sont sélectionnés sur quelques critères basiques (ETP, occurrences, fréquences, simplicité/complexité), espérance d’efficacité, sous contrainte de disponibilité et de bonne volonté des acteurs.

Cette phase est un indispensable, ne serait-ce qu’à des fins d’évangélisation et de communication autour de la RPA. Néanmoins, il demeure important de bien sélectionner les processus pilotes. C’est certes un succès si l’initiative a été menée, mais elle doit avoir été réalisée dans des délais rapides (de quelques jours à 3 ou 4 semaines) et persister dans le temps. Si le POC a été mené à bout, mais que le dispositif RPA a été « débranché » ex post, cela demeurera un échec. Le dispositif de RPA doit être suivi et challengé dans la durée et être vécu comme un bénéfice collectif.

Pour entrer dans une phase d’industrialisation de la RPA, il est structurant de disposer en amont d’une matrice de critères communs à l’entreprise permettant de prioriser les actions sur les meilleurs candidats à la robotisation. Ces critères sont, en partie, propres au processus lui-même, mais ils doivent également considérer des éléments exogènes au processus :

  • Standardisation du processus : plus un processus est linéaire et uniforme, plus c’est un bon candidat à la robotisation. Plus il concentre de scénarios, d’exceptions, de règles de gestion, plus élevé sera son coût d’implémentation directement dépendant du nombre de variations.

  • Stabilité du processus : si le processus évolue ou si les outils, les interfaces ciblées font l’objet d’évolutions fréquentes, le robot devra (probablement) être mis à niveau et de facto engendrer des coûts d’entretien venant réduire votre espérance d’économie.

  • Fréquence du processus : c’est clairement un élément clé. Il faut le distinguer de la notion de volume. Un processus atomique (i.e. : indivisible) peut porter sur une masse d’opération importante, mais être exécuté une fois par mois. C’est la fréquence de répétition du processus qui importe au-delà du volume. Plus cette fréquence est élevée, répétée en intra-day, plus le processus est un bon candidat.

  • Centralisation du processus : plus un processus est réparti, dispersé entre différentes entités opérationnelles plus la mise en place d’une approche RPA est délicate. D’une part, les pratiques risquent de varier d’une entité à une autre, rendant plus complexe l’automatisation. D’autre part, il est probable qu’il faille multiplier les instances des robots (éléments de coût additionnel). L’usage est en pratique d’intervenir sur des processus centralisés (au mieux), quitte à poser cette étape comme un préalable à la robotisation.

  • Rupture de chaîne, interaction homme/machine, reformatage manuel : de multiples manipulations entre des outils, détachements de pièces mail, copier-coller, reformatage d’information sont d’une part, des facteurs de résistance au volume et d’autre part, une source importante d’erreurs humaines. Ce sont typiquement des zones où l’application de la RPA excelle.

Généralisation

La mise en œuvre du RPA repousse un peu plus loin les limites de l’amélioration continue. La technologie non-intrusive RPA optimise, sécurise et accroit la résilience d’un processus end to end. Le processus gagne en maturité, mais il demeure intrinsèquement inchangé. Alors, est-ce que l’on ne peut pas encore mieux faire ?

Dans le domaine du RPA, une stratégie mature doit adresser quelques questions fondamentales :

Comment le processus doit-il évoluer ? Le préalable à cette question est très probablement l’automatisation de l’existant. Au-delà, le potentiel du RPA permet d’inventer une nouvelle manière de faire, en parallélisant des tâches ou des processus séquentiels, en transformant des activités ponctuelles en activités continues (ex : rapprochement au fil de l’eau), en repensant les systèmes d’exception ou de monitoring.

Comment l’organisation doit-elle s’adapter ? Des activités hier manuelles, sont aujourd’hui automatisées ; la force de travail humaine se déplace vers d’autres fonctions ; le pilotage, l’expertise « robot-processus » devient un élément clé de pérennité ; des processus éclatés peuvent devoir être unifiés. Il faut redéfinir les lignes existantes de compétences et de responsabilités.

Les nouveaux programmes de transformation des établissements financiers arborent encore trop peu un volet robotique. Au-delà de la mise en œuvre d’un programme robotique omnipotent, il faut assimiler la robotique pour ce qu’elle est, à savoir un outil, une solution possible à de nombreuses contraintes et apprendre à penser « robot » pour accroitre aujourd’hui votre potentiel de transformation.


[1] benefits of RPA, irpanetwork.

[2] Ne nous y trompons pas, un ordinateur n’a pas d’idées, Luc de Brabandere – Les Echos 02/01/2017



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