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Les cryptos en 2019 : quelle réglementation pour quelle ambition ?


Après le crypto washing, le crypto bashing ? Si l’année 2017 a vu s’envoler le cours du Bitcoin et la Blockchain se démocratiser, 2018 et le début de 2019 n’ont pas le même éclat... Quoique… Le retour à une situation où l’euphorie fait place à la raison est applaudi par les acteurs de l’écosystème de la blockchain. Plusieurs avancées significatives sont à souligner : le visa optionnel émis par l’AMF pour les ICO, et la loi PACTE. Où en sommes-nous aujourd’hui ? Quels sont les nouveaux dispositifs mis en place ? Espérons que ces débuts de réponse aux inquiétudes des multiples acteurs (investisseurs, start-up, épargnants, politiques) contribueront à ce que la France soit un terreau propice à l’éclosion de la crypto-nation !

L’année 2018 a vu la multiplication des projets blockchain dans la quasi-totalité des banques de la place mise en place d’équipes dédiées, participations à des consortia, développements des premières applications - pour ne citer que les plus courantes… C’est dans ce contexte dynamique que le besoin de règlementation s’est imposé ces derniers mois : le besoin d’un cadre juridique approprié pour les ICO (condition sine qua non pour leur développement), l’apparition de la dernière tendance que sont les STO et les contours du traitement fiscal des plus-values commençant à émerger, sont de notre avis trois sujets cruciaux à traiter pour que la « crypto-nation » française ne reste pas qu’un vœu pieux !

Après l’essoufflement des ICO1 en 2018, une réponse réglementaire a-t-elle été trouvée pour un nouvel essor ?

Les ICO, faut-il le rappeler, sont une technique de levée de fonds via les cryptomonnaies, présentant des similitudes avec le crowdfunding et la levée de fonds traditionnelle de type VC2. Après avoir connu l’euphorie en 2017, l’an passé s’est avéré moins éclatant en termes de montants levés.

Un rappel sur les fondamentaux des ICO : il s’agit de ventes de jetons numériques, dit encore tokens, pouvant être échangés sur un marché secondaire ou utilisés. Ces jetons, dans leur très grande majorité, sont liés à un usage futur de la solution développée par l’entreprise à l’origine de l’ICO. C’est ce qu’on appelle en bon français les utility tokens.

Les deux dernières années ont eu des saveurs très différentes : 2017 était le temps où une start-up pouvait lever des montants vertigineux en un temps record en se basant sur un papier blanc (iEx.ec avait levé l’équivalent de 12.5 millions de dollars en 3 heures !)... 2018 a vu un certain nombre d’ICO à la peine pour convaincre les investisseurs d’acquérir leur utility tokens. Cette pratique de levée de fonds a semblé pâtir d’une sulfureuse réputation sans doute liée au nombre d’ICO cachant des montages pour détourner des fonds, alors que l’écosystème en avait un besoin criant. Et c’est dans ce contexte que l’Autorité des Marchés Financiers, souhaitant miser sur l’innovation tout en préservant la sécurité des épargnants, a lancé sa grande consultation en octobre 2017 avant d’arriver avec une proposition d’encadrement souple qui fit quasiment l’unanimité au sein de la communauté.

Le dispositif, décrit dans l’article 26 de la loi PACTE, prévoit une certification délivrée par l’AMF aux entreprises ayant recours à une ICO, sous réserve du respect de certaines règles notam­ment de transparence et de robustesse du projet/ de l’équipe. Ce visa de l’AMF quoiqu’optionnel, semble en ligne avec les attentes de visibilité (côté émetteur), de sécurité (côté investisseur), tout en conservant l’effet catalyseur de l’innovation. Sa création ainsi que la mise en place d’une « liste blanche des ICO » devraient permettre de lever un certain nombre de verrous, notamment le point de blocage encore prégnant que constitue la difficul­té d’ouverture de compte bancaire rencontrée par les émetteurs auprès des institutions de la place.

Un temps évoqué, la proposition d’une prise en charge de l’ouverture de compte supportée par La Caisse des Dépôts a été refusée par la Présidente de son Conseil de Surveillance, arguant du risque de blanchiment, même si limité par ce nouveau visa de l’AMF.

Nous restons néanmoins optimistes et pensons que ce dispositif, absolument unique au monde à ce jour, devrait pouvoir aider nombre de start-up se pliant à l’exercice de l’ICO à émerger.

Á date de la publication du dernier rapport de l’AMF sur les ICO, en novembre 2018, l’Autorité avait eu connaissance d’un montant total levé via ICO, de l’ordre de 89 M€, et représentant 17 opérations, depuis 2016. Sur la seule année 2018, en France, 14 ICO ont été finalisées.

Une corrélation observée entre le cours des cryptos et les montants levés via ICO : le décrochage du cours du bitcoin (bon proxy de la tendance générale sur le marché des cryptos), a entraîné et continue à entraîner une rareté des capitaux en une corrélation presque parfaite (cf. les 2 graphiques ci-dessous).

STO, Security Token Offering, le nouveau ‘hype’ dans l’univers des cryptos

Les STO : les nouvelles ICO ? C’est la question que se posent nombre de spécialistes de l’écosystème blockchain. Il s’agit en fait d’un type d’ICO dans lequel les jetons sont des security tokens (actif numérique dont le sous-jacent peut être assimilé à un titre fi­nancier) afférant un droit qui présente des caracté­ristiques similaires à celui d’une action (droit de vote ou droit au dividende par exemple), et non un droit d’usage (situation des utility tokens) comme c’est le cas dans l’écrasante majorité des ICO. Les security tokens sont des titres dématérialisés, comme c’est déjà le cas pour à peu près tous les titres aujourd’hui, mais ils ont la particularité d’être représentés par des lignes de code sur une blockchain.

Les investisseurs, échaudés par la baisse des cours des cryptos et les fraudes identifiées dans les ICO, sont rassurés par ce nouveau produit dont la ré­glementation est stable et encadrée. Mais dans le contexte crypto où l’on entend toutes sortes d’affir­mations vraies ou fausses, il est important de spé­cifier que se tourner vers une STO ne permet pas de se soustraire à toute réglementation. La qualification de security token a comme conséquence de s’ins­crire dans le cadre juridique du Code Monétaire et Financier.

Ayons bien à l’esprit que les security tokens bénéfi­cient d’un terreau réglementaire favorable en France de par la conjonction de deux textes particulièrement intéressants que sont d’une part le décret n° 2018- 1226 du 24 décembre 2018 autorisant l’émission et la cession de titres financiers via une blockchain, et d’autre part le texte européen, transposé dans le règlement général de l’AMF, permettant une exoné­ration d’approbation du prospectus pour les IPO d’un montant inférieur à 8 M€.

L’année 2019 devrait être celle de l’essor des STO du fait d’un contexte réglementaire favorable et d’une volonté politique, perçant dans les propos de Bercy réitérant l’objectif de faire de la France une référence sur le développement de la blockchain / des cryptos. Les STO offrent une vraie opportunité de marché tant pour les start-up, dont le développement est en partie corrélé aux levées de fonds, que pour les investisseurs qui vont avoir accès à de nouvelles pos­sibilités. Quelques grandes bourses, dont Euronext, ont déjà annoncé le trading des STO. Toutes les grandes plateformes d’échange sont également en train de se mettre en ordre de marche. Un foison­nement de start-up pourrait également favoriser la future mise en place d’un marché secondaire, néces­saire pour assurer la liquidité de ces nouveaux actifs financiers. Les premiers chiffres sur cette nouvelle façon de lever des fonds vont tomber d’ici quelques mois, et il se pourrait bien qu’ils soient substantiels. Ces considérations sur les ICO et les STO ne doivent pas nous faire oublier que les plus-va­lues réalisées sur les cryptos sont naturelle­ment à déclarer à l’administration fiscale.

Le traitement fiscal des plus-values réalisées

Il est important de noter que le nouveau régime fiscal tel que décrit ci-après n’est applicable qu’à partir de 2019 et qu’aucune rétroactivité sur les opérations de 2018 n’est prévue.

Alors que le Bitcoin vient en janvier 2019 de fêter ses dix ans, le chemin parcouru par la technologie sous-jacente qu’est la blockchain, ainsi que par tout l’éco­système est considérable. L’administration fiscale a ainsi dû faire évoluer le cadre juridique dans lequel inscrire les cryptos.

Nous nous devions de dédier, dans cette édition 2019, une partie au traitement fiscal des plus-va­lues liées à la vente de cryptoactifs (cryptoactifs qui doivent être non anonymes, non émis par un État et ne pas être qualifiées de ‘stable coins’) car la situation a évolué pour les particuliers actifs de manière « occasionnelle », avec le projet de loi PACTE (art. 41), et les points suivants constituent le substrat des nouvelles dispositions :

a. La déclaration est simplifiée : elle ne sera plus mensuelle mais annuelle, et s’inscrira dans le cadre de la déclaration de revenus traditionnelle. A noter qu’un formulaire ad hoc dédié aux cryptos devra reprendre l’intégralité des cessions de l’année ;

b. Les transactions crypto - crypto sont totalement exonérées : seules les transactions impliquant une cession définitive contre une mon­naie-fiat, un bien ou un service (que ces sommes soient ou non rapatriées vers un compte en banque traditionnel) sont taxées ;

c. Un taux forfaitaire (flat tax) de 30% sur les plus-values est applicable : ce taux correspond à l’impôt sur le revenu de 12,8% auquel s’ajoute un taux de prélèvements sociaux de 17,2% ;

d. Un abattement de 305€ est accordé : à no­ter qu’en cas de plus-value supérieure à 305€, la flat tax s’applique à l’intégralité du montant de la plus-value, dès le premier euro (i.e. hors abatte­ment) ;

e. Les plus et moins-values annuelles se com­pensent entre elles. Les moins-values poten­tielles ne seront en revanche pas reportables sur l’année suivante;

f. L’ensemble des plateformes d’échange utili­sées doivent être déclarées.

Il est à déplorer que le nouveau régime fiscal n’ap­porte, à ce stade, malheureusement et malgré le lob­bying de la Chaintech, aucune précision par exemple sur la définition du caractère « habituel » ou « occa­sionnel » des cessions de cryptos. Il y a ainsi une place laissée à l’interprétation et à la subjectivité !

Les 30% de taux forfaitaire s’appliquant à l’assiette représentée par le montant de la plus-value nette (hors abattement des 305€), son bon calcul est un prérequis. En voici la formule de calcul :

PV/MV = Prix de cession – [(Prix total acquisition – Capital initial déjà utilisé) X Prix cession / Valeur total PF]

Où PV = Plus-value MV = Moins-value PF = Portefeuille

Même si un particulier est exonéré d’impôt sur ses cryptos du fait d’une plus-value inférieure à l’abatte­ment de 305€, il n’en demeure pas moins soumis à la déclaration dudit montant.

L’annonce de ce nouveau régime pour les particuliers occasionnels a été globalement accueilli avec satis­faction par l’écosystème, mais la situation des entre­prises, tout autant que celle des particuliers exerçant du trading de cryptos à titre habituel, reste confuse et on ne dénombre pas moins de 5 régimes fiscaux au moment de la revente des cryptos.

1. Dans le cadre d’une activité de minage de cryp­toactifs c’est le régime des BNC (bénéfices non commerciaux) qui s’applique ;

2. Les security tokens sont soumis au régime stan­dard des cessions d’actions (i.e., le PFU sans les dispositions prévues pour les cryptoactifs de type l’exonération pour les transactions entre cryp­to-crypto) ; et

3. Pour les cryptoactifs exclus du régime du PFU (i.e. présentant un caractère anonyme et/ou émis ou garanti par un État et/ou jouissant de statut de monnaie) c’est le régime des plus-values sur biens meubles qui s’applique.

Alors que l’an dernier, les incertitudes et les interprétations des règles fiscales prévalaient, nous y voyons incontestablement plus clair début 2019 et pour les particuliers, l’essentiel a été obtenu. Certaines améliorations pourront néanmoins être apportées (une clarification de la notion d’activité « occasionnelle » ou « ha -bituelle » notamment) lors de la prochaine op­portunité de dialogue avec le législateur.

Des avancées non négligeables sont déjà à sa­luer à ce jour, et l’optimisme peut être au ren­dez-vous du fait du sérieux et de l’écoute dont les députés en charge du sujet font preuve.


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